MODES DE SCRUTIN:
CONFÉRENCE – DÉBAT
AU CENTRE D’ÉTUDES DE CARTHAGE LE 23 AVRIL 2011
En juillet 2011 le peuple tunisien élira ses représentants à l’assemblée constituante.
Le travail de cette assemblée constituante sera de définir et proposer le modèle de la société et le modèle politique de la Tunisie [tout régime politique se définit parce qu’il est “institutionnalisé” et qu’il obéit à des règles de droit].
Ce n’est que lorsque cette constitution aura été adoptée que des programmes des partis politiques pourront être élaborés, approfondis et présentés dans leurs détails (économique, enseignement, social, etc.)
Aussi il importe actuellement que la société tunisienne soit au mieux informée sur les modalités de ces élections à venir, et que les candidats, qu’ils appartiennent ou non à des partis, orientent leurs propositions vers l’élaboration de cette constitution.
C’est dans ce contexte que l’ “Association des anciens étudiants de la faculté des Sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis” a organisé au Centre d’Etudes de Carthage une Conférence-Débat avec Madame Salsabil KLIBI, Professeur de droit constitutionnel, le 23 avril 2011, sur le thème: “LES MODES DE SCRUTIN”.
Exposé
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Après un bref rappel de l’évolution historique depuis le 14 janvier, Me Klibi a brièvement détaillé les deux “familles” de modes de scrutin qui avaient été présentées par la Commission des Experts à la Haute Instance:
Scrutin uninominal majoritaire à deux tours,
Scrutin de listes avec représentation proportionnelle et au plus fort reste.
1. Il est démontré que le scrutin nominal – avec son rapport très personnalisé- entraîne une défiance vis-à-vis des partis, et ne favorise ni la structuration, ni la définition des programmes des partis, ni leur ancrage dans la société. Même si, lorsque l’existence d’un 2ème tour, où ne sont retenus que les deux premiers candidats, permet une restructuration du paysage politique.
2. La 2ème méthode, celle du “scrutin de listes avec représentation proportionnelle et au plus fort reste”, permet une meilleure représentation et a été jugée plus juste et finalement retenue par la Haute Instance.
Débat
Le débat a été animé par de nombreux sujets tant théoriques que pratiques, les participants
évoquant successivement:
* Le fonctionnement à venir de la Constituante dans sa diversité où il faudra que l’esprit consensuel forcément prédomine sur l’esprit partisan, dans l’élaboration de la Constitution; mais aussi que les membres de cette assemblée devront y démontrer non seulement une conscience du droit, mais aussi une conscience sociologique, et y faire preuve d’une probité extra-partisane;
* qu’il n’existe pas de mode de scrutin qui soit idéal; et que ce n’est pas le mode de scrutin qui permettra de résoudre tous les problèmes;
* Le pouvoir absolu de la Constituante: cette assemblée aura un pouvoir absolu sur un plan juridique, mais politiquement elle ne sera pas libre (La Constitution sera la transcription juridique des évolutions réalisées dans et par la société tunisienne);
* La durée de son mandat qui ne peut pas être fixé à l’avance (ex. du Portugal où la Constituante devait siéger pendant 3 mois, reconduit une première fois de 3 mois, et finalement 4 ans…):
* Les modalités de fonctionnement du pays en attendant que la nouvelle Constitution soit présentée par la Constituante et approuvée par le peuple de Tunisie? Il apparaît que l’assemblée constituante aura pouvoir de désigner un gouvernement ou un président provisoire, qui, bien que provisoires seraient alors légitimes; pour la ou les démocraties de proximité (municipales…) , en attendant le code électoral, il pourrait être fait appel à un décret – loi exceptionnel; après la Constitution, et selon le type de régime choisi – Parlementaire, Présidentiel, ou Régime mixte-, seront organisées les élections, l’ordre de suivi de ces élections sera décidé selon le type de régime qui aura été choisi et décidé: parlementaires puis présidentielles, ou présidentielles puis parlementaires, ou les deux en même temps, mais avec des durées de mandats différents…);
* La parité hommes-femmes: sur les listes (maximum 10 candidats) il est proposé une parité hommes – femmes, les candidat(e)s doivent être présentés de manière alternée sur les listes de candidatures; il s’agit donc d’une parité sur les listes de candidatures qui n’entraînera pas forcément la parité au niveau de la représentativité; une des participantes a évoqué les utilisations de femmes comme vitrines et faire-valoir qui ont existé lorsque le système politique, avant le 14 janvier, était vicié et instrumenté par le pouvoir précédemment en place; le Pr. Klibi nous a relaté les réactions des jeunes de Kasserine – Sidi Bouzid lors d’une conférence-débat récente, les jeunes évoquant la parité, et expliquant comment ils ressentaient que les femmes auprès d’eux étaient les plus politisées;
* La multiplicité des partis reconnus, et le fait que les partis vont être amenés à se développer, fusionner et sortir de l’anonymat; l’évolution des partis en fonction de la société tunisienne (répartie actuellement (et schématiquement) en trois grands pôles par un participant: islamique / nationaliste / démocratiques +/- épris de liberté;
* Les personnes qui pourront ou ne pourront pas être présentées sur les listes de candidatures? alors que les membres du groupe d’experts ne pourront pas se présenter aux élections, ainsi que certains anciens responsables du RCD, il semble absolument logique que les membres de la Haute Instance puissent se présenter ou être présentés sur des listes de partis…;
* Que faire pratiquement?
* * Il faut dès maintenant penser au contrôle du processus électoral. Ce contrôle n’est plus le fait du Ministère de l’Intérieur, et il doit être indépendant et le fait d’une action citoyenne;
* * Informer que la Carte d’Identité Nationale sera utilisée pour ce vote ; Vérifier dès maintenant que CIN est valide, qu’elle porte la bonne adresse (en effet le renouvellement des CNI au même moment que le flux des inscriptions poserait des problèmes complexes d’organisation );
* Demande de documentation et d’information plus précises sur les différentes questions débattues: Me Pr. Salsabil KLIBI et la représentante de l’ «Association des anciens étudiants de la faculté des Sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis» sont en train de réaliser une telle documentation « simplifiée » sous forme de fiches, qui seront disponibles prochainement.
En conclusion
La Révolution du 14 janvier 2011 est celle de la dignité (pour la dignité, le pain et le travail et aussi pour un système législatif plus démocratique et représentatif) ;
Les jours qui ont suivi, le peuple tunisien a choisi et obtenu de décider d’une nouvelle constitution, et pour cela d’élire en juillet 2011 une assemblée constituante qui aura pour tâche de proposer au peuple tunisien cette nouvelle constitution.
C’est la tâche de la Haute Instance d’organiser la tenue des élections de l’assemblée Constituante au mois de juillet 2011.
Les travaux / propositions de la Haute Instance devront être avalisées (signées) par le gouvernement transitoire (lequel n’a jusqu’à présent pas de légalité juridique);
Etant donné la grande importance que revêtiront ces élections quant à l’avenir de la Tunisie, il est important que chacun soit au mieux informé des débats actuels sur les modes de scrutin (qui ne sont jamais neutres), et aussi sur l’organisation pratique de ces élections, faire que le contrôle de ces élections soit indépendant et le fait d’une action citoyenne, mais aussi et dès maintenant mettre à jour les Cartes d’identité Nationale, avant l’afflux des charges administratives des inscriptions.
C’est l’assemblée constituante qui sera élue en juillet, qui définira et proposera le modèle de la société et le modèle politique de la Tunisie dans l’avenir, c’est dire combien son rôle peut être important.
Note
L’exposé était d’une très grande clarté et le débat assez passionné et passionnant.
Ci-joint des des notes prises en vrac au fur et à mesure de la conférence et du débat.